jeudi 18 avril 2013

Comment l'épopée vient à son public / Extrait de la postface de Philippe Jaccottet


Dans la postface de sa traduction de l’Odyssée*, Philippe Jaccottet expose le contexte de diffusion des œuvres d'Homère.


Homère lui-même nous dit comment l’épopée allait de son auteur à son public. Un chanteur, un aède, était attaché à la maison des seigneurs. Le banquet terminé, on le faisait parfois venir au milieu des convives et on lui demandait de chanter tel épisode de grande légende antique ou de l’histoire contemporaine. L’aède psalmodiait probablement en s’accompagnant d’un instrument à cordes, lyre ou cithare.
On sait également par Platon que les poèmes d’Homère, de son temps, étaient non plus chantés ou psalmodiés par des aèdes, mais déclamés par des rhapsodes, avec toutes les ressources de l’art de la diction ; dans un de ses dialogues, il a mis en scène un de ces jeunes déclamateurs, qui déclare notamment à Socrate : ‘Pour moi, quand je débite quelque passage pathétique, mes yeux s’emplissent de larmes ; si c’est un endroit effrayant ou étrange, d’effroi mes cheveux se lèvent tout droits et mon cœur se met à battre’.

L’épopée n’était plus alors le privilège des seigneurs, mais l’ornement des grandes cérémonies publiques. Et voici une première certitude : que la poésie épique fut d’abord, comme partout d’ailleurs, une poésie orale.


Philippe Jaccottet conclut un peu plus loin :

Il faut écouter, plutôt que lire, ainsi qu’on le faisait aux origines de l’épopée. Par la lecture à haute voix, le texte retrouve sa lenteur nécessaire, son mouvement, quelque chose de sa résonance.

Je suis convaincu que l’on peut lire l’Odyssée tout entière sans le secours d’aucune note et sans rien savoir de l’épopée que ce que je viens d’en dire. Rien n’est plus simple que cette fable du soldat que sépare du retour, et de sa femme, la volonté hostile des dieux.

* L’Odyssée d'Homère, traduction de Philippe Jaccottet, Éditions La Découverte/Poche, 2004.

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